Revue Web

Les Cahiers

A-t-on enterré l’espace public ?

Sommaire et Avant-propos

4 septembre 2013

Les textes qui composent ce dossier ont pour origine une journée d’étude organisée à l’EHESS, intitulée A-t-on enterré l’espace public ?. Elle ouvrait la réflexion sur ces mouvements en partie paradoxaux d’exportation, de relégation ou de reprise du concept d’espace public. Depuis, des événements socio-politiques majeurs – la crise financière, les « printemps arabes », la crise malienne, notamment, ainsi que des évolutions moins brutales mais tout aussi décisives comme l’invasion massive de nos existences par le numérique – n’ont fait que confirmer la fécondité heuristique de cette enquête qui s’est poursuivie, diversifiée et infléchie. C’est donc à une analyse de l’espace public à plusieurs voix et à plusieurs disciplines que ce dossier invite, mobilisant aussi bien le regard de philosophes du politique, de sociologues, d’historiens, d’anthropologues ou de politologues ; pour certains, spectateurs attentifs de la scène politique européenne, pour d’autres, fidèles observateurs des espaces politiques contemporains d’Afrique de l’Ouest, d’Argentine ou d’Iran, enfin pour quelques autres fins connaisseurs de la Grèce antique ou de la période révolutionnaire soviétique.



  • Mail
  • Share
Masquer/Montrer la colonne de droite

Sommaire du numéro 15/16

Avant-Propos Sylvie Capitant et Michèle Leclerc-Olive

Introduction Sylvie Capitant et Michèle Leclerc-Olive

Les gloires ordinaires. Actualité du concept arendtien d’espace public Étienne Tassin

À quoi ressemble l’espace public plébéien ? Martin Breaugh

L’espace public oppositionnel : lorsque l’oikos danse à l’agora Alexander Neumann

L’espace public politique ou le lieu de la construction déconstructive Blondin Cissé

Les mémoires de la Révolution russe en Union soviétique : espace guerrier ou espaces publics ? Malte Griesse

Qu’a « fait » la notion de société civile ? Quelques réflexions suggérées par la crise malienne Michèle Leclerc-Olive

L’expérience politique des conseils municipaux en République Islamique d’Iran Sahar Saïdenia

Espaces publics en contexte semi-autoritaire Mathieu Hilgers

La visibilité disruptive de l’Islam dans l’espace public européen : enjeux politiques, questions théoriques Nilüfer Göle

Enjeux démocratiques et (re)conquête du politique en Afrique Gilles Holder et Maud Saint-Lary

Entre autres. À propos de Participer de Joëlle Zask Gérard Wormser

Interactions du technique et du social Saskia Sassen

Avant-propos

Le concept d’espace public – qu’il soit employé comme catégorie générique ou analytique, phénoménologique ou normative – a occupé, pendant plusieurs décennies, une place centrale dans la pensée du politique. Mais aujourd’hui son usage connaît à la fois des décentrements et une certaine relégation. On a en tous cas le sentiment que le concept d’espace public a perdu la centralité qui était la sienne dans la pensée du politique et de la démocratie, au profit de diverses notions apparentées. Des glissements sont opérés qui consistent par exemple à lui substituer la notion d’arènes publiques ou à déplacer l’attention initialement portée sur ce qui est dit « public », vers la formation des « publics » – déplaçant l’attention du qualificatif vers le substantif – ou vers la société civile. Les textes qui composent ce dossier ont été rédigés entre 2010 et 2012. À l’origine de cette entreprise, une journée d’étude organisée en décembre 2009 à l’EHESS, intitulée A-t-on enterré l’espace public ?, a ouvert la réflexion sur ces mouvements en partie paradoxaux d’exportation, de relégation ou de reprise du concept d’espace public. Depuis, des événements socio-politiques majeurs – la crise financière, les « printemps arabes », la crise malienne, notamment, ainsi que des évolutions moins brutales mais tout aussi décisives comme l’invasion massive de nos existences par le numérique – n’ont fait que confirmer la fécondité heuristique de cette enquête qui s’est poursuivie, diversifiée et infléchie. C’est donc à une analyse de l’espace public à plusieurs voix et à plusieurs disciplines que ce dossier invite, mobilisant aussi bien le regard de philosophes du politique, de sociologues, d’historiens, d’anthropologues ou de politologues ; pour certains, spectateurs attentifs de la scène politique européenne, pour d’autres, fidèles observateurs des espaces politiques contemporains d’Afrique de l’Ouest, d’Argentine ou d’Iran, enfin pour quelques autres fins connaisseurs de la Grèce antique ou de la période révolutionnaire soviétique. Cette pluralité de positionnement disciplinaire, d’époques, de terrains, bien qu’elle puisse surprendre, est tout à la fois un signe et un engagement. Le signe de l’autonomisation du concept d’espace public mobilisé dans des contextes et environnements radicalement différents, mais aussi l’engagement de ce dossier à dépasser ce constat et à s’interroger en retour sur les raisons de cette autonomisation et sur les flous et les apports conceptuels que cette dernière a pu entraîner. Les différentes contributions du dossier démontrent en effet que si ces usages diversifiés ont parfois conduit à un évidement du concept, allant par exemple jusqu’à le confondre sans ménagement avec la notion de société civile, ils ont aussi contribué à renouveler son acception. Ces cheminements ont ainsi souligné la portée heuristique du concept. Ils ont mené à mettre en lumière les mécanismes non de représentation mais d’apparition du politique (action, espace, acteurs, discours), à révéler la part inévitable d’antagonisme propre à toute action politique trop souvent déconsidérée au nom d’une consécration du consensus. Ils ont conduit à souligner enfin la portée résolument politique du courage d’apparaître dans l’espace public. Les différentes contributions réunies dans ce dossier participent de ce questionnement fondamental autour du politique. Ils contribuent ce faisant à une réflexion plus générale qui pourra, nous l’espérons, se poursuivre ailleurs. Cette publication n’aurait pu se faire sans le professionnalisme engagé et militant de l’équipe de Sens public que nous tenons à remercier très sincèrement. Nous saluons par ailleurs l’originalité et la force de leur projet intellectuel, éditorial et numérique. Nous remercions aussi les institutions1 dont l’aide a contribué à l’existence de ce dossier. Et nous vous invitons donc à cheminer au fil de cette enquête philosophique et sociologique autour du concept d’espace public, source sans nul doute de débats partagés et stimulants.

Sylvie Capitant et Michèle Leclerc-Olive